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    Les années s'écoulent au P**jau, rythmées par les humeurs de la cascade en contrebas, berceuse les soirs d'été où l'eau se fait rare, cataracte rugissante au printemps et en automne quand le ciel ou les neiges du Mont Lozère ou de l'Aigoual, de rivière en rivière, de ru en ru, de torrent en torrent, viennent s'y déverser.

     

    Le siècle touche à sa fin. Venant du Nord, couvrant déjà les mont d'Ardèche, de sombres nuages qui ne donneront pas la pluie mais répandront le feu, s'amoncellent.

     

    Là-haut, à Paris, un nouveau roi qui se prend pour le soleil qu'il connaît pourtant si mal, cherchant à s'attirer les faveurs de Rome et de la majorité de ses sujets, déclare la Religion des Réformés comme illégale. Fin stratège, il prend soin de s'informer sur le nombre des hérétiques demeurant encore dans son royaume; malheureusement, les Cévennes, le Dauphiné sont bien loin et bien discrets ! Les envoyés du roi remontent à Paris avec un rapport bien optimiste ! Sire, les Huguenots sont morts ! Louis XIV s'empresse de révoquer l'Edit de tolérance de son grand-père qui pourtant à sa manière avait aussi trahi la religion. Dans les marais de Camargue, on prépare les geôles de la Tour qui porte le nom d'une femme et qui en recevra tant entre ses murs épais, dans les ports d'où partirent tant de croisés portant haut l'étendard du Saint Roi, les galères attendent ces hommes dont les muscles habitués à monter les murs de pierre sauront propulser sur les flots les navires royaux.

     

    Le fils cadet rapporte une autre sorte de gibier au mas. Un dimanche, au culte tenu au grand jour, un de ceux qui vivent leurs derniers instants, ses yeux croisent le regard d'une très jeune fille. Son sang de chasseur d'âge mur s'enflamme. Les familles s'entendent car malgré la différence d'âge, la famille S..ier n'est pas sans bien, les terres du ruisseau ont bien prospéré en un demi-siècle. Le mariage est célébré dans le désert, dans une clairière, au dessus du mas Soub**ran, un soir de pleine lune, sous le couvert des chênes verts et des buis, protégée par un enchevêtrement de salsepareilles et de ronces. Car déjà, le culte protestant est prohibé et les parpaillots doivent se cacher pour célébrer leur Dieu.

     

    Le relais de chasse devient un foyer où naîtront et mourront des enfants. Trop éloigné du hameau familial, peu accessible car aucun chemin à l'époque n'y montait, il devenait peu pratique de compter sur les facilités de la Grande Maison, comme on appelait la maison du grand-père pour assurer la nourriture quotidienne. Alors, on commença par ériger, encore et toujours des murs, à transporter, encore et toujours, la terre pour créer les terrasses, à aménager des escaliers en bout de faïsse pour faciliter l'accès. Puis on construisit une petite clède, afin d'y sècher les châtaignes que l'on descendaient de la cime de la montagne. On aménagea des bassins pour conserver l'eau de la source et du D..el petit torrent qui se jette dans le ruisseau du bas. On bâtit un four pour y cuire le pain. On acheta chèvres et moutons et on monta, avec les pierres tirées de la terre, une bergerie que l'on creusa en partie dans la roche, légèrement en hauteur sur les berges du D...el qui jamais, même en été, n'est complètement à sec. Totalement dissimulée aux regards, elle servirait aussi de cache si les émissaires de ce roi si peu lumineux finalement venaient s'en prendre aux habitants du P**jau ou à leurs biens.

    A la fin du XVII ème siècle, le relais de chasse est devenu une petite ferme abritant des hommes et des femmes rudes, discrets, peu enclins aux échanges, retranchés sur leur terre, n'en sortant que pour se rendre au Désert et assister au culte secret, priant un Dieu que jamais ils ne renièrent, qu'un jour s'arrêtent les persécutions.

    Mais la nuit, les hommes vêtus de cette chemise paysanne de toile brute que la langue d'Oc désigne sous le terme de Camisa, sortaient par les sentes et les drailles, ombres furtives se faufilant sous la bartasse, empruntant les passages des sangliers. Au petit matin, les cendres d'une église, le corps d'un dragon du roi …

     

    Parce que parfois, la prière ne suffit pas.

     

    Plus tard, remontés au mas, les Camisards du P**jau guettent au sud la vallée. S'il faut se cacher, ce ne sera pas difficile. Le maquis ne se laisse pas facilement pénétrer. Trois siècles plus tard, la nouvelle propriétaire des lieux ne s'est-elle pas longuement et dangereusement perdue dans ce maquis inextricable alors qu'elle explorait son territoire qui au fur et à mesure qu'elle avançait se refermait perfidement sur elle ? Le maquis cévenol, il s'apprivoise … Les Dragons du petit Roi ne savaient pas lui parler.

     

    Au Sud est, au levant, au bout du ruisseau de R...euil, là où il va gonfler les eaux du Gardon, les Dragons du Roi hésitent. Leurs chevaux piaffent et renâclent. Au bout de l'étranglement de la petite vallée, perchés sur une terrasse haute de la montagne, tout près de la châtaigneraie nourricière, les camisards du P...jau veillent …. Le XVIIIème siècle et ses promesses peuvent venir.

     

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    A suivre

     

     

    chapitre 2 (6) 

    chapitre 2

     

    la petite clède (plus tard, plus loin,on en construira une deuxième plus grande), escaliers pour passer d'une faïsse à l'autre 

     

     

     

    chapitre 2 (7)

    un des sept bassins de la propriété, un par faïsse, le bassin supérieur déversant son trop plein dans celui de la faïsse inférieure

     

    chapitre 2 (5)

                                                                                              le four à pain

     

     

    chapitre 2 (4)

    chapitre 2 (3)

     

                                                                  le D..el, le torrent de la bergerie et la bergerie troglodyte

     

     

    chapitre 2 (2)

                                                                            les murs en contrebas du mas

     

    chapitre 2 (8)

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    les faïsses en dessous du mas : aujourd'hui, les escaliers ont été doublés par des "rampes" en pente douce pour passer de l'une à l'autre.

     

     

     

     

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    Les années s'écoulent au P**jau, rythmées par les humeurs de la cascade en contrebas, berceuse les soirs d'été où l'eau se fait rare, cataracte rugissante au printemps et en automne quand le ciel ou les neiges du Mont Lozère ou de l'Aigoual, de rivière en rivière, de ru en ru, de torrent en torrent, viennent s'y déverser.

     

    Le siècle touche à sa fin. Venant du Nord, couvrant déjà les mont d'Ardèche, de sombres nuages qui ne donneront pas la pluie mais répandront le feu, s'amoncellent.

     

    Là-haut, à Paris, un nouveau roi qui se prend pour le soleil qu'il connaît pourtant si mal, cherchant à s'attirer les faveurs de Rome et de la majorité de ses sujets, déclare la Religion des Réformés comme illégale. Fin stratège, il prend soin de s'informer sur le nombre des hérétiques demeurant encore dans son royaume; malheureusement, les Cévennes, le Dauphiné sont bien loin et bien discrets ! Les envoyés du roi remontent à Paris avec un rapport bien optimiste ! Sire, les Huguenots sont morts ! Louis XIV s'empresse de révoquer l'Edit de tolérance de son grand-père qui pourtant à sa manière avait aussi trahi la religion. Dans les marais de Camargue, on prépare les geôles de la Tour qui porte le nom d'une femme et qui en recevra tant entre ses murs épais, dans les ports d'où partirent tant de croisés portant haut l'étendard du Saint Roi, les galères attendent ces hommes dont les muscles habitués à monter les murs de pierre sauront propulser sur les flots les navires royaux.

     

    Le fils cadet rapporte une autre sorte de gibier au mas. Un dimanche, au culte tenu au grand jour, un de ceux qui vivent leurs derniers instants, ses yeux croisent le regard d'une très jeune fille. Son sang de chasseur d'âge mur s'enflamme. Les familles s'entendent car malgré la différence d'âge, la famille S..ier n'est pas sans bien, les terres du ruisseau ont bien prospéré en un demi-siècle. Le mariage est célébré dans le désert, dans une clairière, au dessus du mas Soub**ran, un soir de pleine lune, sous le couvert des chênes verts et des buis, protégée par un enchevêtrement de salsepareilles et de ronces. Car déjà, le culte protestant est prohibé et les parpaillots doivent se cacher pour célébrer leur Dieu.

     

    Le relais de chasse devient un foyer où naîtront et mourront des enfants. Trop éloigné du hameau familial, peu accessible car aucun chemin à l'époque n'y montait, il devenait peu pratique de compter sur les facilités de la Grande Maison, comme on appelait la maison du grand-père pour assurer la nourriture quotidienne. Alors, on commença par ériger, encore et toujours des murs, à transporter, encore et toujours, la terre pour créer les terrasses, à aménager des escaliers en bout de faïsse pour faciliter l'accès. Puis on construisit une petite clède, afin d'y sècher les châtaignes que l'on descendaient de la cime de la montagne. On aménagea des bassins pour conserver l'eau de la source et du D..el petit torrent qui se jette dans le ruisseau du bas. On bâtit un four pour y cuire le pain. On acheta chèvres et moutons et on monta, avec les pierres tirées de la terre, une bergerie que l'on creusa en partie dans la roche, légèrement en hauteur sur les berges du D...el qui jamais, même en été, n'est complètement à sec. Totalement dissimulée aux regards, elle servirait aussi de cache si les émissaires de ce roi si peu lumineux finalement venaient s'en prendre aux habitants du P**jau ou à leurs biens.

    A la fin du XVII ème siècle, le relais de chasse est devenu une petite ferme abritant des hommes et des femmes rudes, discrets, peu enclins aux échanges, retranchés sur leur terre, n'en sortant que pour se rendre au Désert et assister au culte secret, priant un Dieu que jamais ils ne renièrent, qu'un jour s'arrêtent les persécutions.

    Mais la nuit, les hommes vêtus de cette chemise paysanne de toile brute que la langue d'Oc désigne sous le terme de Camisa, sortaient par les sentes et les drailles, ombres furtives se faufilant sous la bartasse, empruntant les passages des sangliers. Au petit matin, les cendres d'une église, le corps d'un dragon du roi …

     

    Parce que parfois, la prière ne suffit pas.

     

    Plus tard, remontés au mas, les Camisards du P**jau guettent au sud la vallée. S'il faut se cacher, ce ne sera pas difficile. Le maquis ne se laisse pas facilement pénétrer. Trois siècles plus tard, la nouvelle propriétaire des lieux ne s'est-elle pas longuement et dangereusement perdue dans ce maquis inextricable alors qu'elle explorait son territoire qui au fur et à mesure qu'elle avançait se refermait perfidement sur elle ? Le maquis cévenol, il s'apprivoise … Les Dragons du petit Roi ne savaient pas lui parler.

     

    Au Sud est, au levant, au bout du ruisseau de R...euil, là où il va gonfler les eaux du Gardon, les Dragons du Roi hésitent. Leurs chevaux piaffent et renâclent. Au bout de l'étranglement de la petite vallée, perchés sur une terrasse haute de la montagne, tout près de la châtaigneraie nourricière, les camisards du P...jau veillent …. Le XVIIIème siècle et ses promesses peuvent venir.

     

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    A suivre

     

     

    chapitre 2 (6) 

    chapitre 2

     

    la petite clède (plus tard, plus loin,on en construira une deuxième plus grande), escaliers pour passer d'une faïsse à l'autre 

     

     

     

    chapitre 2 (7)

    un des sept bassins de la propriété, un par faïsse, le bassin supérieur déversant son trop plein dans celui de la faïsse inférieure

     

    chapitre 2 (5)

                                                                                              le four à pain

     

     

    chapitre 2 (4)

    chapitre 2 (3)

     

                                                                  le D..el, le torrent de la bergerie et la bergerie troglodyte

     

     

    chapitre 2 (2)

                                                                            les murs en contrebas du mas

     

    chapitre 2 (8)

    chapitre-2--9--copie-1.JPG

    les faïsses en dessous du mas : aujourd'hui, les escaliers ont été doublés par des "rampes" en pente douce pour passer de l'une à l'autre.

     

     

     

     

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  •  

    1630.

    Dans le calme et le retrait d'une petite vallée cévenole, celle du ruisseau de R**feuil, dans le creux d'un vallat qui se déverse dans le ruisseau, sur une faïsse comblée au fil des siècles par la terre du Gardon, portée à dos d'homme depuis ses berges à deux lieues de là, une petite maison étroite, à peine plus qu'une cabane, s'élève vers le ciel où elle va chercher le soleil qui tarde à venir les matins d'hiver, la montagne au levant est si haute. Lorsque l'on vient du village, pour rallier la petite maison, il faut traverser le ruisseau, mais l'eau ne monte guère plus haut que les mollets devant le mas, sauf quand le ciel se met en colère : là, il faut attendre que ses eaux brutalement mauvaises et perfides daignent redescendre. Or dans les Cévennes, les eaux, comme les caractères, redescendent aussi vite qu'elles sont montées. Alors, en ces temps troublés, même sans pont, quand on est protestant, on se sent en sécurité derrière ce ruisseau capricieux. Certes, 30 ans plus tôt, le bon roi Henri a signé l'Édit de Nantes, mais ils le savent bien, ces parpaillots, que ce qui est écrit sur le parchemin que peu savent lire, n'est qu'un nuage de fumée pour estourdir les esprits. Dans la réalité, il ne fait pas bon être protestant dans ce royaume de France, où la révocation mettra perfidement un siècle, réforme après réforme, pour se montrer au grand jour.

     

     

    Mais en 1630, les temps sont plus calmes qu'ils ne l'ont été et qu'ils le seront bientôt. Autour de la modeste ferme, les terres sont vastes mais pauvres. Le ruisseau, les sources cependant, permettent de les faire prospérer, dans la montagne les grottes secrètes, le maquis serré offriront un refuge si à nouveau le tonnerre venait à s'abattre sur les Cévennes, alors, c'est sans se poser trop de questions que le jeune S**ier, après avoir pris femme, s'installe modestement dans la petite maison familiale.

     

    De nouveaux sacs de terre du Gardon seront apportés, les murs, pour certains montés sous la préhistoire, seront entretenus, agrandis, pour créer de nouvelles faïsses arrachées à la montagne aussi rebelle que ses habitants, où pousseront légumes et pois chiches. L'hiver, les tâcherons inoccupés descendus du Mont Lozère viendront porter main forte à la famille dans la construction herculéenne de ces murs jusqu'au col, avec leur réseau d'escaliers en pierre en bout de faïsse pour que les femmes puissent à leur tour grimper sur les terrasses supérieures et ramener leur pauvre récolte. Là-haut, au dessus des chênes verts, de chaque côté du ruisseau, les châtaigneraies fournissent de toutes façons de quoi survivre quand le gel, les orages viennent contrarier le travail du paysan.

     

    De cet union naquirent trois fils.

     

    Arrivés à l'âge adulte, les terres avaient été suffisamment mises en valeur pour fournir à tous le vivre quotidien. Aucun, donc, ne prend la décision de quitter le mas pour s'établir ailleurs, lorsqu'à leur tour ils prennent femme. L'espace en revanche se fait rare. Mais ni les terres, ni les pierres ne manquent : le fils aîné construit sa propre maison à côté de celle de ses parents, donnant l'exemple à son puîné qui à son tour érige un mas plus modeste dans le prolongement de ceux de son frère et de ses parents.

    La famille continue à travailler de concert, accumulant un début de richesses, augmentant le patrimoine foncier.

    Le frère cadet mène une vie plus confortable que ses aînés ! Forcément, le gros du travail a été fait. La famille peut même se permettre d'embaucher des journaliers, offrant par là même au cadet ce qu'aujourd'hui nous appellerions des loisirs. Que faire dans ces montagnes rudes éloignées de tout centre urbain où le jeune homme pourrait trouver de quoi s'occuper ? Les chevreuils, les sangliers pullulent dans ces montagnes et ni le loup, ni le renard ne suffit à en réduire le nombre grandissant. Le fils cadet devient chasseur, autant par plaisir que par nécessité. Mais le gibier évite le jour les alentours des trois maisons où bruissent les échos de la vie humaine.

    Le fils cadet décide alors de construire un relais de chasse à l'écart du hameau familial, plus haut dans la montagne, de l'autre côté du ruisseau. De là, dans l'antre des sangliers et des chevreuils, il garde un œil sur le mas familial d'un côté et sur la sente qui vient du Gardon de l'autre. Les dragons et les missionnaires du roi peuvent venir : on les verra bien à temps et l'on aura le temps de cacher hommes et biens.

    Cette maison, sise à flanc de montagne, contrairement à toutes les autres qui s'alignent sur le même plan que le ruisseau, cinquante mètres plus bas, les gens du pays vont l'appeler « le mas du plan moyen ».

    Sauf qu'à l'époque, on parlait occitan. La maison s'appelle donc le « P**jau », plan moyen en langue d'oc.

     

     

    C'est ma maison aujourd'hui.

     

     

     

    à suivre

     

     

     

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                                       (vue satellite du hameau S**ier avec les 3 premières maisons et du P**jau n°4 en face)

     

     

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                (les trois premières maisons)

     

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                          (le hameau S**ier vu au zoom de ma terrasse)

     

     

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                          (le P**jau vu au zoom depuis le hameau)

     

     

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  •  

    1630.

    Dans le calme et le retrait d'une petite vallée cévenole, celle du ruisseau de R**feuil, dans le creux d'un vallat qui se déverse dans le ruisseau, sur une faïsse comblée au fil des siècles par la terre du Gardon, portée à dos d'homme depuis ses berges à deux lieues de là, une petite maison étroite, à peine plus qu'une cabane, s'élève vers le ciel où elle va chercher le soleil qui tarde à venir les matins d'hiver, la montagne au levant est si haute. Lorsque l'on vient du village, pour rallier la petite maison, il faut traverser le ruisseau, mais l'eau ne monte guère plus haut que les mollets devant le mas, sauf quand le ciel se met en colère : là, il faut attendre que ses eaux brutalement mauvaises et perfides daignent redescendre. Or dans les Cévennes, les eaux, comme les caractères, redescendent aussi vite qu'elles sont montées. Alors, en ces temps troublés, même sans pont, quand on est protestant, on se sent en sécurité derrière ce ruisseau capricieux. Certes, 30 ans plus tôt, le bon roi Henri a signé l'Édit de Nantes, mais ils le savent bien, ces parpaillots, que ce qui est écrit sur le parchemin que peu savent lire, n'est qu'un nuage de fumée pour estourdir les esprits. Dans la réalité, il ne fait pas bon être protestant dans ce royaume de France, où la révocation mettra perfidement un siècle, réforme après réforme, pour se montrer au grand jour.

     

     

    Mais en 1630, les temps sont plus calmes qu'ils ne l'ont été et qu'ils le seront bientôt. Autour de la modeste ferme, les terres sont vastes mais pauvres. Le ruisseau, les sources cependant, permettent de les faire prospérer, dans la montagne les grottes secrètes, le maquis serré offriront un refuge si à nouveau le tonnerre venait à s'abattre sur les Cévennes, alors, c'est sans se poser trop de questions que le jeune S**ier, après avoir pris femme, s'installe modestement dans la petite maison familiale.

     

    De nouveaux sacs de terre du Gardon seront apportés, les murs, pour certains montés sous la préhistoire, seront entretenus, agrandis, pour créer de nouvelles faïsses arrachées à la montagne aussi rebelle que ses habitants, où pousseront légumes et pois chiches. L'hiver, les tâcherons inoccupés descendus du Mont Lozère viendront porter main forte à la famille dans la construction herculéenne de ces murs jusqu'au col, avec leur réseau d'escaliers en pierre en bout de faïsse pour que les femmes puissent à leur tour grimper sur les terrasses supérieures et ramener leur pauvre récolte. Là-haut, au dessus des chênes verts, de chaque côté du ruisseau, les châtaigneraies fournissent de toutes façons de quoi survivre quand le gel, les orages viennent contrarier le travail du paysan.

     

    De cet union naquirent trois fils.

     

    Arrivés à l'âge adulte, les terres avaient été suffisamment mises en valeur pour fournir à tous le vivre quotidien. Aucun, donc, ne prend la décision de quitter le mas pour s'établir ailleurs, lorsqu'à leur tour ils prennent femme. L'espace en revanche se fait rare. Mais ni les terres, ni les pierres ne manquent : le fils aîné construit sa propre maison à côté de celle de ses parents, donnant l'exemple à son puîné qui à son tour érige un mas plus modeste dans le prolongement de ceux de son frère et de ses parents.

    La famille continue à travailler de concert, accumulant un début de richesses, augmentant le patrimoine foncier.

    Le frère cadet mène une vie plus confortable que ses aînés ! Forcément, le gros du travail a été fait. La famille peut même se permettre d'embaucher des journaliers, offrant par là même au cadet ce qu'aujourd'hui nous appellerions des loisirs. Que faire dans ces montagnes rudes éloignées de tout centre urbain où le jeune homme pourrait trouver de quoi s'occuper ? Les chevreuils, les sangliers pullulent dans ces montagnes et ni le loup, ni le renard ne suffit à en réduire le nombre grandissant. Le fils cadet devient chasseur, autant par plaisir que par nécessité. Mais le gibier évite le jour les alentours des trois maisons où bruissent les échos de la vie humaine.

    Le fils cadet décide alors de construire un relais de chasse à l'écart du hameau familial, plus haut dans la montagne, de l'autre côté du ruisseau. De là, dans l'antre des sangliers et des chevreuils, il garde un œil sur le mas familial d'un côté et sur la sente qui vient du Gardon de l'autre. Les dragons et les missionnaires du roi peuvent venir : on les verra bien à temps et l'on aura le temps de cacher hommes et biens.

    Cette maison, sise à flanc de montagne, contrairement à toutes les autres qui s'alignent sur le même plan que le ruisseau, cinquante mètres plus bas, les gens du pays vont l'appeler « le mas du plan moyen ».

    Sauf qu'à l'époque, on parlait occitan. La maison s'appelle donc le « P**jau », plan moyen en langue d'oc.

     

     

    C'est ma maison aujourd'hui.

     

     

     

    à suivre

     

     

     

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                                       (vue satellite du hameau S**ier avec les 3 premières maisons et du P**jau n°4 en face)

     

     

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                (les trois premières maisons)

     

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                          (le hameau S**ier vu au zoom de ma terrasse)

     

     

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                          (le P**jau vu au zoom depuis le hameau)

     

     

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  • En cherchant une gomme pour faire mes mots croisés (T'as vu, j'ai une vie passionnante depuis deux mois que je suis inoccupée ....), je suis tombée (sans me faire mal) sur le pied de mon vieux Nikon argentique. N'écoutant que ma créativité légendaire, me voilà, sans trop d'espoir, entrain d'essayer de l'adapter sur mon Canon numérique. Femme de peu de foi que je suis : ça s'adapte parfaitement ! J'en ai éprouvé une joie aussi intense que prolongée (je te disais que je menais en ce moment une vie émotionnellement palpitante) à l'idée de pouvoir enfin me laisser aller à mes crises de narcissisme aigües sans faire appel à ma fille que la maladie commence à lasser : je vais enfin pouvoir paraître sur les photos avec mes chiens !

     

    Et au delà de ces caprices, je vais pouvoir aussi, plus modestement, prendre des photos en pause lente, en évitant le flou pas toujours artistique !

     

    Donc me voici aujourd'hui avec mes chiens.

     

    Je mets ces deux photos-là, car elles sont très exactement le reflet de ce que je suis  :

     

    1) Jo qui pleure

     

    JO KI PLEURE JO KI RIT (2)

     

    La mine triste, figée dans un présent frileux, le regard perdu dans le vide scrutant un avenir qui tarde à se révèler, fuyant les tentatives désespérées de Roxanne pour m'arracher un sourire coincé bien trop loin, les rides marquées au coin d'une bouche désabusée, les mains qui n'ont plus grand chose à donner et encore moins à recevoir camouflées, inutiles, au fond des poches trop étroites, c'est moi la plupart du temps .... et le jeu avec le pied de l'appareil et le retardateur n'a pas manqué de figer la réalité sans fard (au sens propre comme figuré).

     

     

     

    2) Jo qui rit

     

    JO KI PLEURE JO KI RIT

     

    Une autre ! Bras et jambes ouvertes, courant vers l'avenir, même si la visibilité n'est pas très bonne, le rire sur les joues, dans les yeux, au coin des lèvres, la vie, l'espoir, l'énergie chevillés au corps ... c'est moi aussi, parfois, pas très souvent en ce moment.

     

     

    J'aimerais tellement que le rapport s'inverse  et que dans ma vie, comme sur les photos, j'aie plus souvent l'occasion de courir en avant vers ce qui me reste d'avenir.

     

     

     

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  • En cherchant une gomme pour faire mes mots croisés (T'as vu, j'ai une vie passionnante depuis deux mois que je suis inoccupée ....), je suis tombée (sans me faire mal) sur le pied de mon vieux Nikon argentique. N'écoutant que ma créativité légendaire, me voilà, sans trop d'espoir, entrain d'essayer de l'adapter sur mon Canon numérique. Femme de peu de foi que je suis : ça s'adapte parfaitement ! J'en ai éprouvé une joie aussi intense que prolongée (je te disais que je menais en ce moment une vie émotionnellement palpitante) à l'idée de pouvoir enfin me laisser aller à mes crises de narcissisme aigües sans faire appel à ma fille que la maladie commence à lasser : je vais enfin pouvoir paraître sur les photos avec mes chiens !

     

    Et au delà de ces caprices, je vais pouvoir aussi, plus modestement, prendre des photos en pause lente, en évitant le flou pas toujours artistique !

     

    Donc me voici aujourd'hui avec mes chiens.

     

    Je mets ces deux photos-là, car elles sont très exactement le reflet de ce que je suis  :

     

    1) Jo qui pleure

     

    JO KI PLEURE JO KI RIT (2)

     

    La mine triste, figée dans un présent frileux, le regard perdu dans le vide scrutant un avenir qui tarde à se révèler, fuyant les tentatives désespérées de Roxanne pour m'arracher un sourire coincé bien trop loin, les rides marquées au coin d'une bouche désabusée, les mains qui n'ont plus grand chose à donner et encore moins à recevoir camouflées, inutiles, au fond des poches trop étroites, c'est moi la plupart du temps .... et le jeu avec le pied de l'appareil et le retardateur n'a pas manqué de figer la réalité sans fard (au sens propre comme figuré).

     

     

     

    2) Jo qui rit

     

    JO KI PLEURE JO KI RIT

     

    Une autre ! Bras et jambes ouvertes, courant vers l'avenir, même si la visibilité n'est pas très bonne, le rire sur les joues, dans les yeux, au coin des lèvres, la vie, l'espoir, l'énergie chevillés au corps ... c'est moi aussi, parfois, pas très souvent en ce moment.

     

     

    J'aimerais tellement que le rapport s'inverse  et que dans ma vie, comme sur les photos, j'aie plus souvent l'occasion de courir en avant vers ce qui me reste d'avenir.

     

     

     

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  • Vite, vite, en passant, en attendant mieux (je prépare l'article sur la maison) juste parce que cette photo-là, je la kiffe : impromptue, prise sur le vif, au zoom à fond, ils ne me calculaient pas, ils étaient dans leur monde à eux. Dommage il manque Rox et Baker à quelques mètres de là.

     

     DSCF0128--Resolution-de-l-ecran-.JPG

     

     

     

     

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  • Vite, vite, en passant, en attendant mieux (je prépare l'article sur la maison) juste parce que cette photo-là, je la kiffe : impromptue, prise sur le vif, au zoom à fond, ils ne me calculaient pas, ils étaient dans leur monde à eux. Dommage il manque Rox et Baker à quelques mètres de là.

     

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  • De ma terrasse, si je regarde de l'autre côté du ruisseau, je vois la montagne au dessus de mes voisins de droite. Elle s'appelle le Clos de vigne. Tout en haut, Jacky y a obtenu une nouvelle coupe de bois.

     CLOS DE VIGNE (4)

    CLOS DE VIGNE (3)

     

    CLOS-DE-VIGNE--2--copie-1.JPG

     

     

    Nous y sommes montés aujourd'hui, j'y allais pour la première fois. Une bonne vingtaine de minutes de voiture, dont la moitié sur des pistes où seul le 4X4 peut aller, alors qu'à vol d'oiseau c'est à un kilomètre.

     

     

    De là-haut, en regardant bien, on voit ma maison.

    Regarde !

     

     CLOS DE VIGNE (7)

     

     

     

     

    Clique pour voir plus grand. Toujours pas ?
    Attends, je zoome.

     

     

     CLOS DE VIGNE (8)

     

     

    Ca va mieux ? Un peu plus près ? Allez on y va.

     

     CLOS DE VIGNE (6)

     CLOS DE VIGNE

     

     

    J'aime bien ma maison. Un jour je te raconterai son histoire, je l'ai apprise pas plus tard que la semaine dernière, à l'occasion d'un ensevelissement que je te raconterai aussi.

     

    CLOS DE VIGNE (5)

     

    On a coupé du bois, chargé la voiture et crapahuté plus de deux heures dans la montagne. Jacky continue à partager tous les secrets de la montagne avec moi. Aujourd'hui, j'en ai appris un chouette de secret, une histoire de trésor que je te raconte aussi un de ces quatre. D'autant que le trésor, aussi  bien, il est chez moi ! 

     

    J'adore ces journées avec Jacky où je retrouve toute l'énergie qui me manque tant en ce moment et où j'accumule les connaissances sur les Cévennes, sur tous ces coins que je finis par connaître aussi bien que les natifs.

     

    En rentrant, les juments avaient démoli leur enclos, il a fallu que je répare en vitesse avant la tombée de la nuit. Je suis épuisée, je ne vais pas traîner ce soir ....

     

    clos de vigne sattellite

     

     

     

     

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  • De ma terrasse, si je regarde de l'autre côté du ruisseau, je vois la montagne au dessus de mes voisins de droite. Elle s'appelle le Clos de vigne. Tout en haut, Jacky y a obtenu une nouvelle coupe de bois.

     CLOS DE VIGNE (4)

    CLOS DE VIGNE (3)

     

    CLOS-DE-VIGNE--2--copie-1.JPG

     

     

    Nous y sommes montés aujourd'hui, j'y allais pour la première fois. Une bonne vingtaine de minutes de voiture, dont la moitié sur des pistes où seul le 4X4 peut aller, alors qu'à vol d'oiseau c'est à un kilomètre.

     

     

    De là-haut, en regardant bien, on voit ma maison.

    Regarde !

     

     CLOS DE VIGNE (7)

     

     

     

     

    Clique pour voir plus grand. Toujours pas ?
    Attends, je zoome.

     

     

     CLOS DE VIGNE (8)

     

     

    Ca va mieux ? Un peu plus près ? Allez on y va.

     

     CLOS DE VIGNE (6)

     CLOS DE VIGNE

     

     

    J'aime bien ma maison. Un jour je te raconterai son histoire, je l'ai apprise pas plus tard que la semaine dernière, à l'occasion d'un ensevelissement que je te raconterai aussi.

     

    CLOS DE VIGNE (5)

     

    On a coupé du bois, chargé la voiture et crapahuté plus de deux heures dans la montagne. Jacky continue à partager tous les secrets de la montagne avec moi. Aujourd'hui, j'en ai appris un chouette de secret, une histoire de trésor que je te raconte aussi un de ces quatre. D'autant que le trésor, aussi  bien, il est chez moi ! 

     

    J'adore ces journées avec Jacky où je retrouve toute l'énergie qui me manque tant en ce moment et où j'accumule les connaissances sur les Cévennes, sur tous ces coins que je finis par connaître aussi bien que les natifs.

     

    En rentrant, les juments avaient démoli leur enclos, il a fallu que je répare en vitesse avant la tombée de la nuit. Je suis épuisée, je ne vais pas traîner ce soir ....

     

    clos de vigne sattellite

     

     

     

     

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