• P'tit con et Brigitte Bardot

    Y a des journées, comme ça, où on se dit qu'on n'est pas payée bien cher, mais qu'on rigole bien quand même.

    Torpeur de début d'après-midi. Après la découverte, ce matin, de ce qu'est un homonyme, où nous avons allègrement bu dans un verre vert, constaté que la glace pouvait se refléter dans la glace, reconnu qu'il y a peu de maîtres de plus de deux mètres, admis que le hêtre n'est pas un être humain, joué à la balle au bal du 14 Juillet, dégusté du pain frais à l'ombre d'un grand pin .... il a bien fallu passer à la leçon et aux exercices d'application écrits.

    Et soudain le drame.
    D'abord je te montre. Ca c'est moi.



    C'était au Grau du Roi il y a quinze jours, mais il se trouve qu'aujourd'hui, j'étais habillée exactement pareil.
    Alors qu'au tableau, j'écris laborieusement la leçon et trace le mot "prononcent" comme dans "se prononcent de la même façon" , la succession de o-n-o-n pose un problème à un de mes élèves qui plutôt que de réfléchir à la signification du mot dans son contexte, préfère chercher l'explication à  sa source, i.e, auprès de moi. Attendant à peine mon hochement de tête l'autorisant à s'exprimer, il s'exclame : "Mémé, c'est quoi le premier mot de la troisième ligne ?"

    Mémé ? Mémé ? Mémé ? Mémé ?

    "Maman" ça arrive souvent qu'on nous appelle comme ça en primaire. Je réponds généralement "je suis ta maîtresse, pas ta mère, Dieu merci".

    Mais Mémé ? Moi ?
    Merde alors !
    Suis si vieille peau que ça ?
    J'aurais basculé ainsi dans le troisième âge, et on ne m'a rien dit ?
    Mes froncements de sourcils légendaires auraient-ils eu raison d'un reste de jeunesse auquel je rêve encore ?

    Dis-moi ! Rassure-moi ! Pas encore, hein ?

    P'tit con, va !

    Je lui ai froidement (mais en réprimant un sourire devant la classe pliée en deux de rire) annoncé que c'était la dernière fois que je lui autorisais une grossière erreur de ce type, et que la prochaine fois, il se prenait 500 lignes qui le sècheraient sur place tellement qu'à la fin c'est lui qu'on appellerait  "pépé" !

    Nous continuons et passons aux exercices d'application.
    Du bête et méchant du genre : dans les deux phrases suivantes, complète les trous par deux homonymes (consigne largement répétée et illustrée d'exemples).

    Ca donne :
    Le bateau entre dans le .......................... . Le ....................................... est un animal.


    Donc, action.

    Quelques minutes plus tard, une petite que nous appellerons Brigitte pour les besoins de la confidentialité arrive à mon bureau pour se faire corriger.

    Et là, j'en ai oublié mes rides et mon âge avancé, tellement j'ai rigolé, en lisant :

    Le bateau entre dans le phoque. Le phoque est un animal.


    Est-ce l'expression "Pédé comme un phoque" (V et G si vous passez par là, rien de perso ou de péjoratif, hein ?)  ou le printemps, quoi qu'il en soit, il m'est monté à l'esprit toute une série d'images toutes plus suggestives les unes que les autres mettant en scène cette improbable rencontre entre le bateau et le phoque, le tout se terminant dans une explosion de phoque (Chantal Lauby sors de mon corps).
    Entre deux soubresauts, j'ai réussi à écrire sur la marge du cahier "pauvre phoque !" accompagné d'un smiley hilare. J'espère que les parents auront de l'humour ce week end lors de la signature.

    Comme je n'avais pas pu m'empêcher de lire cette oeuvre à haute voix, la classe entière se tordait de rire. J'essaie de calmer le jeu. Je réconforte la Brigitte Bardot locale en lui reprécisant la consigne et en lui demandant de retourner à sa place pour réfléchir à son erreur.

    Le silence revient. Je corrige quelques exercices plutôt réussis. Et Brigitte Bardot Junior se pointe, le sourire aux lèvres, triomphante. Elle avait trouvé la bonne réponse, c'était sûr, cette fois !

    Elle pose le cahier sur mon bureau.

    Le bateau rentre dans le perroquer. Le perroquer est un animal.

    Généralement, en classe, je ris peu, la jouant plutôt pince-sans-rire quand je sors des vannes, c'est à dire toutes les deux minutes, car sinon, je m'ennuie. Je crois n'avoir jamais pleuré de rire devant les élèves. Là, ils ont dû attendre deux ou trois bonnes minutes, le temps que les plumes du perroquet se dissipent de mon imagination, pour connaître la raison de mon fou rire.
    Tout en hoquetant, j'ai réussi à leur annoncer la triste nouvelle : " les enfants, j'ai le regret de vous annoncer que le bateau est rentré dans le perroquet !"
    Seule la récréation a réussi à nous sortir de l'hystérie collective qui nous a tous saisis, même Brigitte, que j'ai tenté de rassurer en lui disant que c'était rare un don comique de la sorte et qu'elle pouvait se vanter d'avoir fait pleurer mémé pour la première fois dans sa classe. Elle en était toute fière.

    Mais dis, sans dec, j'ai tant l'air que ça d'une mémé ?????

                                                                                                                                                 See you later poor parrot


     


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