• Mourir de chagrin

    Combien de fois m'est-il arrivé de penser que la peine était trop forte et que seule la mort pourrait m'en délivrer ?

    Des départs d'amoureux, il y a longtemps, qui me faisaient penser qu'à 25 ans ma vie était foutue et que jamais plus je ne retrouverais l'amour, amour sans lequel, il est bien connu qu'on ne peut pas vivre. Surtout à 25 ans. Hystérie. Médecin. Piqûres. Sommeil. Et puis la vie qui revient ....

    La mort de ma mère, il y a treize ans. Elle était trop jeune. Longtemps après son décès, j'ai compulsé frénétiquement la rubrique nécrologique du journal pour faire des statistiques des âges auxquels mourraient les gens ! Chaque fois que je voyais qu'une femme était morte au même âge que ma mère, je me sentais un peu mieux, l'injustice était donc partagée .... Et il a fallu apprendre à vivre sans lui parler sans cesse dans ma tête, le dialogue imaginaire qui me liait à elle chaque seconde, était rompu. Plus de cordon. Vivre sans être attachée. En serais-je capable ? Réussirais-je à élever mes enfants sans lui montrer que je faisais mieux qu'elle ? Réussirais-je à vivre un couple sans la narguer avec mes succès ? Réussirais-je à continuer à travailler dans ce métier très "glamour" que je faisais à l'époque et qui flattait tant son orgueil de mère, elle qui n'était que "simple "instit ? Réussirais-je à vivre sans être portée par cette rivalité avec elle qui me faisait avancer si haut et si vite ? Ou tomberais-je dans le chagrin et la peine, vide de tout ce qui me faisait avancer jusqu'à lors ?

    Et puis la vie revient .... J'ai divorcé, élevé du mieux possible mes enfants seule, quitté mon métier et passer sur le tard le concours de l'Education Nationale pour devenir ... Prof des Ecoles. Comme elle. No comment.

    Le départ du père de mes enfants. Laurent 4 ans, Viviane 2 ans. Comme tant d'autres. La peine à son paroxysme. Je me rappelle m'être dit que la mort de ma mère n'était rien à côté de cette séparation. Je souffrais autant du départ de mon mari, que, par procuration, du départ du père pour mes enfants. J'ai cru que je n'y arriverais pas. Prozac, pour la première fois de ma vie. Pour passer le cap. J'ai passé le cap. J'ai arrêté le Prozac. Et la vie est revenue ... Le chagrin s'est estompé.

    12 ans plus tard, la séparation, brutale, inattendue d'avec le Chauve Bedonnant. Objectivement, ce n'est son départ qui représentait un problème, ça faisait bien longtemps que notre couple n'était plus qu'une association amicale. Mais tout mon style de vie était bâti sur l'hypothèse de départ que cette vie serait vécue, bon an, mal an, à deux : déménagement quinze jours auparavant dans un mas isolé des Cévennes à peine habitable, 9 chiens, 4 chevaux, 4 enfants. Son départ brutal quinze jours après le déménagement m' a certes libérée de deux enfants, mais j'ai gardé tout le reste : le mas pas habitable, les chiens, les chevaux, et mes propres enfants sous le choc. Plus des dettes : la moitié du mas pas habitable était à lui ... Ca en a été trop. Le chagrin, là, encore. Il restait une boîte de Lexomil dans la pharmacie. Mourir de chagrin ? Oui. En tous cas ne plus souffrir. Les gendarmes, les pompiers qui me cherchent dans la montagne où j'étais allée m'endormir avec ma boîte de lexomil. Viviane qui connaissait mon coin préféré, près de la bergerie en ruine, qui me trouve, qui les conduit à moi. L'hôpital. Le Chauve Bedonnant qui m'y retrouve. Qui veut me faire interner. Moi qui signe une décharge. Qui insulte la psy de service en lui faisant remarquer que dans l'histoire le fou n'est pas celui qu'on croit. Qui m'en fuis. Qui rentre au mas non habitable. Retrouver mes enfants, mes chiens, mes chevaux .... La vie qui revient, dure au quotidien, il faut se battre contre le chagrin, contre le froid, contre le Chauve Bedonnant qui se révèle sous un jour pitoyable. Janine, Puce, Daniele, mes amis, ma famille (sauf son membre le plus éminent à mes yeux) qui sont là pour me soutenir, pour me rappeler que mes enfants ont besoin de moi. Putain qu'est-ce que j'ai pu détester cette phrase dans vos bouches. Quelle culpabilité supplémentaire elle a fait naître en moi, même si c'était le chose à dire pour me pousser à continuer. L'espoir que mon père m'apporte cette aide dont la petite fille en moi avait tant besoin. Mais mon père vivait son propre drame de la solitude, sa propre maladie et m'a rejetée. Visite à Noël. Quand même. Parce qu'il le fallait bien. Cinq minutes. Premières insultes. Premiers cris. Départ. Mais la vie est toujours là, pleine de haine, mais là.

    La mort de mon père, en Mai. Heureusement, aidée par un psy qui m'a convaincue que je ne le changerais pas et que je pouvais très bien lui parler sans rien lui dire (!!!!), j'avais repris contact et réussi à ne pas me sentir (trop) blessée par ses attaques qui de toutes façons faiblissaient, comme son énergie vitale. Le chagrin est toujours là. Je ne comprends toujours pas bien comment on peut continuer de vivre sans ses parents. La vie revient pourtant. Je n'ai plus à redouter que mes parents meurent, puisqu'ils sont déjà morts.


    Et moi je suis toujours en vie.

    Comme d'autres, je suis passée par bien des épreuves qui m'ont terrassée au point que le grand sommeil a parfois semblé la seule option possible. Contrairement à d'autres la vie m'a pour l'instant épargnée en nous laissant, mes enfants et moi, en bonne santé.


    Le chagrin ne nous tue pas. Il paraît même qu’il nous rend plus fort.

    Et pourtant, si le chagrin tue.

    Depuis hier que j’ai appris la nouvelle, je suis sous le choc de la disparition d’un grand mec, en pleine santé, entouré d’amour, que la vie avait gâté en le faisant naître et grandir dans une famille exceptionnelle, et qui tout simplement, a tiré le rideau, parce qu’il n’a pas supporté le décès de sa mère une semaine plus tôt.

    Ce grand mec c’est lui. Il s’appelait Tristan.

    Nous ne mourrons pas de chagrin. Eux si.


    Cela fait longtemps que je voulais l’écrire quelque part. Alors c’est l’occasion ou jamais. S’il devait m’arriver quelque chose (doux euphémisme), je sais que la Société, leur père prendraient mes enfants en charge. Pas leur chagrin. Mais leur vie.

    Mais qui prendra en charge mes chiens, et Sissy ?

    Je charge toutes les personnes qui les connaissent de cette lourde mission.
    J’aimerais que Bobo et Lapin ne soient pas séparés, ils aiment trop jouer ensemble. Il faudrait absolument que Baker, le grand sensible, reste avec sa mère, Uby. Roxanne, je ne me fais guère d’illusion, moi partie, elle ne restera pas longtemps de ce monde. Si Sasha pouvait retrouver sa première maman, ça serait top. Love et Brett passeraient sûrement mieux le cap en restant ensemble

    Et j’aimerais bien que Sissy rejoigne sa maman en Lorraine. A moins que Françoise ait une place dans son jardin ?

    Les chats …. Inch ‘ Allah. Sauf Tritri, notre adorable handicapée qui ne sera jamais autonome, ainsi que Grisou, trop vieux pour apprendre à fuir le renard.


    Les écrits restent ....


    Edit de 19h17 : après les appels inquiets de Danièle, Chantal et André, je voulais juste dire que la teneur de cet article n'est pas forcément au diapason de mon humeur : j'avais juste, à l'occasion de la mort de Tristan, des choses sur le coeur que j'ai voulu écrire, sans pour autant que mon humeur soit morbide. Actuellement, l'électroencéphalogramme du moral est d'un plat reposant. Bisous à tous et désolée.

    Deuxième édit : j'ai oublié le principal ! Danièle, au cas où, prendrait Bobo et Lapin ! Elle vient de me le dire au téléphone. Elle est pas belle la vie ?


                                                                                                                                              See you later alligator


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