Chères lunettes !

Comme je vous hais ! Eh bien oui, je vous hais, déteste, méprise et plus encore. Comment quelqu'un d'aussi libre que moi peut-il supporter d'être ainsi prisonnière de deux morceaux de verre cerclés dans deux morceaux de plastique ? Vous êtes insupportables. Regardez le plaisir que vous prenez à vous cacher, lorsque, par malheur, je vous pose ailleurs que sur mon nez. Voyez comme vous vous embuez à la moindre bouilloire qui siffle. Observez votre incapacité à balayer ces gouttes de pluie qui s'attardent sur vos verres. Et visez-moi ces agaçantes glissades systématiques sur le bout de mon nez ! Vous êtes d'une rare exigence : il faut vous frotter, vous essuyer, vous chouchouter, vous bichonner sous peine d'aveuglantes représailles. Mais vous m'êtes indispensables pourtant. Sans vous, je ne suis plus rien qu'une infirme dans la nuit. Une route à traverser ? Je me fais écraser ! Un ami à saluer ? Je ne le reconnais même pas ! Un roman à dévorer ? Les mots s'échappent dans le brouillard. J'ai bien tenté des infidélités, en vous préférant, parfois, les discrètes lentilles, mais même quand vous n'êtes pas là, je vous cherche, repoussant, d'un doigt distrait, une inexistante présence sur l'arrête de mon nez. Sans vous je ne suis pas tout à fait moi, il faut dire, vous et vos aïeules faites partie de mon visage que vous mangez depuis si longtemps ! Alors, chères lunettes, je dois m'incliner : vous êtes mes meilleures ennemies.

                                                                   ( ... femme à  .....           pfffffffffff ........... menteur !)

                                                                                                     clic

                                   See you later alligator