• Drôle de confiote

     

    Moi qui ne cuisine jamais ou presque, j'ai sorti tout l'attirail pour une préparation des plus spéciales. Regarde!


    Le chaudron à confiture, de l'huile, des carottes, de la compote de pommes, du son de blé ….

    Drôle de confiture, me diras-tu. Et tu auras raison.

    En fait de confiture, il s'agissait d'un « barbotage » pour l'Autrichienne qui s'est payé le luxe d'une colique carabinée. Comme chaque cavalier-propriétaire le sait, la colique du cheval est la cause de bien des décès, c'est une pathologie gravissime qu'il faut traiter vite et bien pour tenter de sauver le cheval. L'intestin du cheval fait trente mètres de long, mais son estomac est tout petit. De plus, il ne possède pas le réflexe de vomissement, ce qui rend son système digestif très compliqué à gérer. C'est la raison pour laquelle il faut nourrir les chevaux au moins trois fois par jour, lorsqu'ils ne sont pas au pré, et c'est la raison pour laquelle je m'emmerde la vie, tôt le matin, tard le soir et tous les midis (car mes prés ne sont pas suffisants) pour donner à manger aux donzelles.

    Les coliques proviennent soit d'un bouleversement alimentaire, soit d'un stress. Les vers peuvent aussi contribuer à irriter un intestin.
    Bref pour la faire courte, voici l'histoire.


    Lundi soir, Laurent, retenu à la maison par une coqueluche, rentre les juments de leur pré, car je savais que je serai retardée à l'école. Il s'étonne de trouver Sissy allongée, mais bon, il n'en fait pas plus cas que ça. Le soir quand je descends leur donner leur foin, je ne remarque rien d'anormal. En revanche, le lendemain à 6h30, je trouve Sissy couchée dans la boue, sous la clôture électrique, engluée dans la gadoue, tétanisée, tremblante, en état de choc.


    J'appelle, dans l'ordre, la véto et Françoise, mais je n'ai que des répondeurs. Je retrouve au bout de quelques minutes mes esprits, fais l'hypothèse de la colique et me souviens qu'il me reste peut-être de la Calmagine et des seringues, là-haut. Je fonce au mas, trouve la Calmagine (un antispasmodique et anti-douleur), déniche une seringue et des trocarts (le gros gros modèle d'aiguille, celui que je garde en réserve pour une éventuelle torsion des chiens pour percer l'estomac en cas de dilatation, bref trop gros pour ce que je veux faire, mais tant pis, je ne l'enfoncerai pas jusqu'au bout). J'attrape du coton et la bouteille d'alcool et je fonce en bas. J'appelle Laurent pour qu'il vienne me donner un coup de main pour tenir Sissy si elle se débat. Je ne lui ai jamais fait de piqûre, je ne sais pas comment elle va réagir.


    En bas, Sissy est allongée, mais pas complètement, elle est sur son ventre, par sur un flanc. Je désinfecte un coin d'encolure, tapote, pince pour préparer à la piqûre et plante le trocart en veillant à ce qu'il ne s'enfonce pas complètement. La seringue pleine était en attente et heureusement – tu vas voir pourquoi – pas encore arrimée à l'aiguille. Sissy sursaute et tombe ….. sur le côté de l'aiguille qui s'est enfoncée jusqu'à la garde. Laurent commence à vaciller et tombe quasiment dans les pommes. Sissy se relève, je retire l'aiguille, le sang pisse. Je désinfecte le tout et recommence l'opération deux fois, car il y avait trop de produit à injecter pour le faire en un seul endroit. Je m'occupe de Laurent qui retrouve ses esprits et qui remonte. Et moi je reste en bas, en surveillance.

    Au bout de 20 minutes, Sissy se relève et tente de manger le foin de Caramel.
    Je lui fais le massage qui permet de faciliter le transit. Je suis rassurée d'entendre à l'auscultation qu'il y a du transit. Au moins ce n'est pas une colique avec obstruction complète, car là il faut fouiller l'intestin manuellement pour retirer le crottin, et je ne m'en sens pas capable.

    La véto finit par rappeler. Elle me dit que ça ne sert à rien qu'elle vienne  car j'ai fait ce qu'il fallait. Il faut juste que Sissy ne mange pas. Je retire le foin et continue la massage. Elle évacue trois crottins durs et secs …. on n'était pas loin de l'obstruction ! Ça me rassure.

    Je remonte dormir deux heures, car, manque de bol, c'était un jour de migraine intense pour moi, et là je ne tenais plus debout.
     
    Je passe l'après-midi à surveiller le moindre de ses crottins. Je me torture car de toutes évidence elle a faim et chaque fois qu'elle mange, même une poignée de foin, après, elle se couche et se tord de douleur.


    Je rappelle la véto qui me dit de lui faire un barbotage et de refaire une injection (deux en fait toujours à cause de la quantité de produit). Je lui fais ses piqûres et la laisse pour la nuit sans rien à manger, car je n'ai pas de quoi lui préparer le barbotage.


    Dès le lendemain matin, je fonce à la coopé agricole, achète le son, et voilà le résultat !

    Nutritif, apaisant pour les parois intestinales, et bon pour le moral de deux juments affamées !



    Sauf que …. Caramel savait apparemment à quoi elle avait à faire, et elle s'est goinfrée immédiatement. Sissy qui n'a jamais vu que du foin, de l'herbe, des carottes et quelques granulés ou floconnés, s'est trouvée toute bête devant le boulgi-boulga !

    Y a fallu qu'on commence avec la cuillère en bois, comme un bébé !



    Pendant ce temps là, l'autre aspirait bruyamment le contenu de sa gamelle. Mets le son, tu vas voir, ça vaut son pesant d'avoine.



    Sissy a fini par comprendre et a apprécié. Une assiette vide en est la preuve.



    Il a fallu chasser Caramel avec la cuillère qui avait fini la première et qui louchait sur la gamelle de sa voisine. Furieuse elle m'a piqué la cuillère et s'est barrée avec !


    Un p'tit coup pour faire passer tout ça.


    Et la vie reprend son cours …... avec du foin, de l'herbe ….



    Et le mystère est – à priori – élucidé. Sissy n'est pas une coliquarde, comme certains chevaux qui en font une à la moindre mouche qui pète ou au moindre changement de météo. Des orages, ici, on a ce qu'il y a de plus violent en France. J'ai vu Sissy, pendant que je la surveillais mercredi, regarder une horde de sangliers passer à quelques dizaines de mètres, sans bouger une oreille. Elle est habituée aux chasseurs. Alors pourquoi ? L'hypothèse du stress me laissant sceptique, il restait celle du choc alimentaire. Et choc alimentaire il y a eu : dans le champ où Laurent l'a retrouvée couchée, lundi soir, il y a trois ou quatre cognassiers et pommiers. Il n'y a plus une pomme ou un coing sur les arbres !!!!! Pourquoi Caramel y a-t-elle échappée ? Parce que Sissy est plus grande et elle a réussi à cueillir plus de fruits que la ponette !


    Où il est dit, donc, que la gourmandise est un vilain défaut … qui a failli coûter la vie de Sissy.


    Elle semble avoir tout oublié. Moi pas. Je suis encore sous le choc de ces deux journées d'angoisse.

                                                                                                                                                                         See you later alligator

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