Dans la classe à côté de la mienne, officie une collègue à la voix haut perchée. Elle crie du matin au soir, avec une petite pause à l'heure bénie de la sieste, où ses apnées du sommeil la poussent à une somnolence que mes élèves et moi-même mettons à profit pour enfin nous entendre penser, enfin surtout moi, eux ne pensent presque plus passé le non-pont du 8 Mai. Ce ne sont pas que des coups de gueule ponctuels, indispensables à la santé mentale du prof moyen, mais une communication en permanence excédée quelques décibels au dessus de ce qui est recommandé par l'OMS. Je pense que ses élèves sont partiellement sourds. Les miens sont agacés, d'autant plus agacés que je le suis moi-même terriblement, et qu'ils considèrent comme politiquement correct, voire stratégiquement judicieux d'adopter le même état d'esprit que moi.

Bref, aujourd'hui, nous l'avons entendue râler, vitupérer, s'exclamer, aboyer, fulminer, s'indigner, apostropher, brailler, pester de 8h30 à 11h30 puis de 15h30 à 16h.
Comme d'habitude, mais peut-être en pire ....

A 16h, nous parlons Jazz, histoire des noirs Américains, racisme, afin d'aborder la chanson Amstrong de Nougaro.

Après deux écoutes, on attaque le chant.

Il est 16h15, c'est molligasse, comme on dit par ici. Ça se traîne, ça ne ressemble à rien, ça désole le swing en moi que j'ai .... On ne peut pas laisser ce chef d'oeuvre se faire ainsi massacrer.

Prise d'une inspiration soudaine, je harangue ma foule :

 

"levez-vous ! Vous allez me chanter cette chanson de manière à faire regretter à Madame K d'avoir osé venir ici aujourd'hui !  Pendant le quart d'heure qui reste, je veux que vous lui fassiez péter les tympans ! Cette chanson, vous n'allez pas la chanter,

                        

                             vous allez la gueuler !"

 

 

Ils sont restés figés de stupeur un quart de seconde, ont éclaté de rire et ont déchiré Amstrong !

 

Nougaro ne nous aurait pas désavoués !

 

                                                 See you later alligator